Enfance en danger et risques sectaires

Dans une perspective d’élargissement des actions de prévention et des procédures de repérage et de signalement des mineurs en danger, la notion de « danger » a été préférée par la loi du 5 mars 2007 à celle, plus limitée, de maltraitance. Cet usage a permis de donner plus de cohérence aux missions respectives des autorités administrative et judiciaire puisque le danger, qui intègre, outre le concept de « mauvais traitement », la dimension du risque, est désormais l’unique critère retenu dans le Code civil et le Code de l’action sociale et des familles pour justifier la mise en œuvre d’une intervention de protection sociale ou judiciaire.
La situation d’un mineur en danger ne se limite donc pas à des cas de maltraitance avérés mais implique la prise en compte d’un risque potentiel dans le cadre d’une prévention nécessaire. Il y a risque lorsque les mineurs sont exposés à des conditions d’existence susceptibles de mettre en danger leur santé, leur sécurité, leur moralité ou leur éducation.

Le développement social et affectif de l’enfant

Afin d’affermir leur emprise sur les individus, certains mouvements dénigrent la cellule familiale en exigeant de leurs adeptes une dévotion inconditionnée vis-à-vis du maître ou de l’organisation sectaire. La relation affective entre parents et enfants constitue alors un obstacle à cet objectif de soumission.

Risque de délaissement et d’abandon matériel ou moral du mineur

Dans la plupart des cas, les mouvements sectaires induisent chez leurs adeptes une subordination de leur vie personnelle à la pratique de leur croyance. Les liens familiaux s’en trouvent distendus, les parents délaissant leur rôle parental vis-à-vis d’enfants qui peuvent être considérés comme une gêne à la pratique (exclusion des enfants qui pleurent, isolement forcé, absence de dialogue et d’activités communes et ludiques, etc.)

Risque de rupture de la filiation symbolique

Au pire, les enfants deviennent la « propriété » du mouvement lui-même ou du maître avec toutes les dérives que cette situation peut impliquer (brimades, violences psychologiques et physiques, déplacements forcés, voire l’absence de déclaration de l’enfant à sa naissance).

Risque de négation de la personnalité de l’enfant

Cette appropriation, qu’elle soit symbolique ou réelle, se double parfois d’un surinvestissement par lequel l’enfant se voit attribuer une « mission » en vertu de potentialités invisibles qui lui seraient propres : dons de divination, de guérison, intelligence supérieure, pureté, germe idéal des générations futures ; l’enfant devient le réceptacle des fantasmes de toute-puissance du mouvement. Il se trouve par là même nié dans sa personnalité, réduit à sa simple fonction et, le plus souvent, soumis à des pressions psychologiques l’obligeant à adopter un comportement conforme aux attentes des adeptes et du maître.

 Risque de rupture des liens familiaux

L’enfermement que ces pratiques impliquent induit généralement une rupture avec le cercle familial élargi qui reste extérieur au mouvement, le cas le plus fréquent étant celui d’une défense de fréquenter les grands-parents.

Risque de maltraitance psychologique et physique

Les principes idéologiques par lesquels l’enfant et sa famille sont conditionnés peuvent conduire à de la maltraitance psychologique (enfant élevé dans une vision cauchemardesque du monde, culpabilisation extrême, etc.), de la violence physique sous des prétextes éducatifs  et, de manière générale, des conditions de vie inadaptées au développement et au bien-être de l’enfant.

Risque d’isolement et d’inadaptation du fait de l’appartenance à un groupe

Cet isolement passe par le refus des médias et de manière générale des moyens d’information qui ne sont pas propres au groupe (refus d’accès aux bibliothèques publiques par ex.), la diabolisation du monde extérieur, l’interdiction d’établir des relations avec des personnes étrangères au groupe, tout comme celle de participer à des activités extérieures.

La capacité de l’enfant à nouer des relations avec autrui, à ressentir de l’empathie, à vouloir s’inscrire dans la société, etc., sont autant d’aptitudes qui sont susceptibles d’être amoindries, voire niées, lorsque l’enfant est élevé dans un contexte d’emprise sectaire. De manière générale il en va de l’apprentissage même de la liberté : dans la démarche totalisante du groupe sectaire, tout est obligatoire, tandis que la société extérieure ne fixe quant à elle que des interdits, tout le reste étant permis, ce qui laisse un champ de liberté et pousse l'enfant au choix.

Risque de désocialisation suite à la sortie du groupe

Elevé au sein d’un groupe sectaire, l’enfant s’est construit avec la seule vision du monde proposée dans le groupe et, à sa sortie, il présente de grandes difficultés à s’adapter à la société. Le grand défi, que les ex-adeptes doivent bien souvent relever seuls, est de parvenir à échapper à la vision du monde dans laquelle ils ont été élevés et avec laquelle ils se sont construits.

La santé

Risques induits par les techniques non conventionnelles à visée thérapeutique du praticien.

Du fait de difficultés relationnelles, scolaires ou de problèmes de santé, les parents, soucieux du bien-être de leur enfant, peuvent être conduits à consulter un praticien qui utilise des techniques non conventionnelles à visée thérapeutique. Bien que non évaluées par les autorités sanitaires, ces techniques ne constituent pas en elles-mêmes des cas de dérives sectaires même si elles peuvent être considérées, pour certaines d’entre elles, comme des dérives thérapeutiques conduisant à une emprise mentale. C’est leur utilisation exclusive par un praticien qui peut déboucher sur une situation d’emprise et mettre en danger l’enfant.

Certaines pratiques non évaluées et utilisées vis-à-vis des mineurs peuvent ainsi constituer un risque – ne serait-ce qu’une perte de chance d’être correctement soigné – notamment lorsqu’il s’agit de traiter certains handicaps comme l’autisme ou la surdité,  de prendre en charge des enfants dits « spéciaux » ou à « fort potentiel », ou de remédier à l’hyperactivité, à d’autres troubles du comportement voire à certaines pathologies.

Refus des vaccinations obligatoires & refus des transfusions

Certaines convictions touchant au domaine de la santé peuvent induire une perte de chance pour le mineur lorsqu’elles se traduisent par le refus de tout apport de la médecine allopathique pour soigner certaines pathologies, en particulier quand il s’agit d’un refus des vaccinations obligatoires ou d’un refus de transfusion sanguine.

Carences alimentaires

Les convictions idéologiques des parents ou du mineur peuvent les conduire à adopter une alimentation carencée du fait de la suppression de nombreux aliments (protéines animales, produit cuits etc.).

Privation de sommeil ou de repos

Les convictions idéologiques des parents ou du mineur peuvent les conduire à adopter un rythme de vie nuisible au repos nécessaire à un enfant, du fait de séances prolongées de prières, de travaux effectués pour la communauté, d’activités de prosélytisme, etc.

Incitation à des pratiques à risques

Les idéologies de certains groupes font écho aux problèmes caractéristiques de l’adolescence et constituent des incitations à la pratique du jeûne, à la fascination morbide, à la consommation de produits psychotropes etc.

Troubles psychologiques

L’isolement et les pressions que l’enfant subit peuvent entraîner des troubles psychologiques graves, du fait de l’angoisse provoquée par la représentation inculquée par le groupe du « monde extérieur », du fait du manichéisme avec lequel l’enfant doit vivre sa relation à « l’extérieur », du fait de la culpabilisation incessante qu’il subit ou du fait du rôle qu’il doit jouer au sein du groupe, de la pression dont il est l'objet en cas de divorce de ses parents pour des raisons d’appartenance. A noter particulièrement le phénomène des Faux Souvenirs Induits et le syndrome d’aliénation parentale fréquemment rapportés.

Maltraitances effectives

Du fait de l’emprise familiale par un groupe ou par une idéologie et de l’isolement qui s’ensuit, l’enfant devient une proie facile et est une victime invisible et inaudible lorsqu’il subit des maltraitances physiques et des abus sexuels pour des raisons idéologiques ou du fait de l’aveuglement de ses proches. Ces maltraitances peuvent mener jusqu’au décès de mineurs, du fait de la soumission de leurs parents à une doctrine religieuse ou spirituelle, du fait du suivi exclusif de Pratiques Non Conventionnelles à Visées Thérapeutiques ou du fait de leur propre appartenance à certains mouvements valorisant l’autodestruction.

L’éducation

La dimension éducative est presque toujours atteinte lorsque le mineur est en situation de risque sectaire. De fait, il s’agit alors d’imposer à l’enfant un discours et des pratiques à l’exclusion de tout discours et de toute pratique autres. Or, ce discours et ces pratiques imposés sont susceptibles de nuire au développement intellectuel de l’enfant, à son insertion scolaire et sociale et, finalement, à son accession future à l’autonomie.

Enfermement effectif

Dans le cas de mouvements adoptant un mode de vie communautaire fermé sur l’extérieur, lorsque notamment la scolarisation se fait via l’enseignement à domicile ou l’enseignement dans des établissements privés hors contrat, la désocialisation de l’enfant et par là son emprise sont totales. L’isolement est propice à l’enfermement dans un univers irréel où seul le discours des parents paraît digne d’être cru. La perception qu’a l’enfant de la réalité sociale ne peut alors qu’être altérée tandis que l’emprise se fait d’autant plus forte qu’elle est alimentée par la peur d’un monde extérieur vécu comme hostile.

Enfermement symbolique

Dans le cas de mouvements apparemment ouverts sur l’extérieur, des mécanismes mis en place pour contrôler les enfants et leurs parents engendrent un même type d’enfermement et un déchirement psychologique du mineur, contraint d'accepter en apparence les comportements et enseignements du « monde extérieur » tout en les refusant intérieurement. Procédés de cet enfermement : réunions entre adeptes, organisation de rencontres pendant les vacances annuelles, références constantes et systématiques aux textes fondateurs du mouvement, révision et négation de l’enseignement reçu dans le secteur public, rupture des contacts avec les membres de la famille extérieurs au mouvement.

Falsifications de l’enseignement, embrigadement des consciences

A cet enfermement effectif ou symbolique correspond un isolement idéologique : au lieu de se confronter à la diversité des opinions, les enfants élevés dans un contexte d’emprise sectaire subissent un discours unique et exclusif, par la répétition quotidienne d’un credo d’allégeance au maître ou à une entité supérieure, ou par le biais d’un enseignement qui n’a comme support que des images ou des textes idéologiquement conformes au mouvement, ou encore par la critique permanente des valeurs et des découvertes qui fondent la possibilité d’une vie en commun et d’un progrès social. La conception du monde qui en résulte est extrêmement réductrice : ignorance des événements majeurs de l’histoire, rejet des avancées scientifiques et techniques, substitution d’un discours mythique aux explications rationnelles, hantise de l’autre, vénération excessive du maître sont autant de symptômes d’une instruction qui, au lieu de rendre libre, asservit et amoindrit les possibilités qui s’offrent à l’enfant.

Abandon de la  poursuite d’études longues

Ce rétrécissement de l’horizon des possibles se manifeste tout particulièrement dans l’injonction qui est faite, parfois subrepticement, de se vouer corps et âme à la perpétuation du mouvement au prix d’un abandon de toute ambition personnelle et professionnelle. L’enfant n’étant instruit qu’au service du mouvement, il n’est pas encouragé à s’en détacher pour poursuivre des études longues. Les adeptes privilégient ainsi des formations courtes, souvent manuelles, qui leur permettent d’être immédiatement utiles et surtout les empêchent d’entrevoir des possibilités hors de la communauté.

Atteintes aux droits fondamentaux

La Convention Internationale des Droits de l’Enfant engage les Etats parties à respecter chez l’enfant « le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant » (art. 12), le « droit à la liberté d’expression » qui comprend « la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce » (art. 13), et le droit à « la liberté de pensée, de conscience et de religion » (art. 14). De fait, l’isolement, la désocialisation et l’emprise dont sont victimes les enfants soumis à des organisations sectaires ne permettent en rien l’exercice de ces libertés. L’enfant n’a pas alors droit à la parole ni à l’ouverture nécessaires au développement de ses capacités intellectuelles. Surtout, il ne peut opposer au discours radical du mouvement la moindre critique, contraint qu’il est d’embrasser au plus près les pratiques et les croyances de ceux qui en ont la charge sous peine d’être ostracisé. L’apprentissage de la citoyenneté  étant inséparable de l’exercice des libertés individuelles, c’est la capacité pour un mineur de devenir majeur, d’accéder au statut de personne autonome et de citoyen qui est remis en cause.

 

le peri-educatif

Les activités péri-éducatives, particulièrement celles qui s’adressent à un jeune public, constituent un terrain de choix pour des mouvements à caractère sectaire.
Qu’il s’agisse d’activités physiques et sportives, de vacances et de loisirs, culturelles, de séjours linguistiques comme de formation professionnelle, chacun de ces secteurs peut constituer un terrain d’influence et de recrutement pour des mouvements à caractère sectaire soit directement sur les mineurs soit, par leur intermédiaire, sur les parents.

• le milieu sportif

Le milieu sportif est concerné par des tentatives de recrutement de "coach" ou de "thérapeutes" qui visent spécifiquement des athlètes de haut niveau. Il existe aussi des phénomènes de mise sous dépendance de disciples vis-à-vis d’un maître, notamment dans des disciplines se réclamant des arts martiaux, dont certaines, d’apparition récente, n’offrent aucune garantie de sérieux, soit qu’elles relèvent purement de la mascarade, soit qu’elles s’apparentent à une milice privée.
Le secteur du développement personnel et du culte du corps peut faire l’objet de dérives dommageables. Les clubs de gymnastique, les métiers de la forme, les stages de préparation psychique, le yoga ou d’autres pratiques similaires peuvent constituer des lieux et des activités propices à ce type de dérives. Il est nécessaire d’être alerté aujourd’hui sur l’existence d’"associations" qui préconisent des expériences d’aventures, de raids périlleux, de dépassement de soi qui trouvent un écho favorable auprès de certains animateurs dans le domaine sportif. L’existence de certaines "activités de l’extrême" doit faire l’objet d’une attention particulière.

• le monde associatif

Bien que cela ne soit pas courant, certains groupements sectaires tentent de pénétrer, ou de singer, le système péri éducatif, les mouvements de jeunesse ou d’éducation populaire, et les fédérations sportives en se dissimulant derrière des appellations trompeuses et en adoptent souvent d’ailleurs, pour parfaire leur camouflage, la forme d’associations de la loi de 1901 (mais bien peu démocratiques alors, voir ci-dessus).
Les thèmes comme la justice, les droits de l’homme, la lutte contre la drogue, la violence ou l’action en faveur de la paix peuvent servir de masques à des organisations dont le but à terme est la manipulation ou le recrutement d’adeptes.
Il y a là un détournement à la fois des objectifs - actions humanitaires, pacifistes, écologiques - affichés par le groupement, et de la forme - association loi 1901, fédération, bénévolat - sous laquelle il va dissimuler sa véritable nature.

• les organismes de formation

Des propositions de stages de formations s’adressant à des formateurs sous couvert notamment de "développement personnel", mais aussi, souvent, de transmettre à leur tour les enseignements du groupe, peuvent représenter des temps forts de recrutement et d’embrigadement de nouveaux adeptes.
On trouve là, bien sûr, la volonté d’accéder en outre à un marché, qui peut s’avérer lucratif, celui du mieux-être, de la lutte contre le stress, du développement personnel ou de l’amélioration des performances. Et pourquoi pas aux ressources financières de la formation professionnelle.
 

• les activités péri-scolaires, de vacances et de loisirs

Le soutien scolaire n’échappe pas à certaines formes de prosélytisme d’où la vigilance demandée aux responsables chargés d’organiser les activités autour de l’école. Il est généralement recommandé des références écrites et contrôlables aux intervenants extérieurs et aux organisateurs, dont l’intervention dans le cadre scolaire doit être autorisée par l’inspecteur d’académie, et est soumise, pour l’organisation des centres de vacances et de loisirs (CVL, CLSH), à la surveillance du préfet (direction départementale de la jeunesse et des sports). La charte de l’accompagnement scolaire représente une garantie lors de la signature de contrats éducatifs par exemple.
En cas de doute, il est toujours recommandé de se renseigner auprès de ces services de l’Etat dans les départements.

• Les établissements d’accueil de la petite enfance

La relation avec des enfants en très bas âge peut être l’occasion d’emprise sectaire de la part de praticiens ou d’organisations vantant une prise en charge globale et idéale de la mère et de l’enfant lors de la naissance et dans les premières années : maîtrise de la douleur à l’aide de techniques non conventionnelles à visée thérapeutique (techniques à base de magnétisme, reiki, etc.), approche dite « spirituelle » de la naissance et idéalisation de l’enfant à naître (galvanoplastie spirituelle, théorie des enfants indigo ou d’autres théories apparentées issues de la mouvance du nouvel âge). Une telle approche peut également être proposée dans les structures d’accueil de la petite enfance.
L’évolution des pratiques et la demande croissante de structures d’accueil et de gardes (crèches collectives, halte-garderie, micro-crèches, jardins d’enfants, crèche familiale, « multi-accueil ») a nécessité l’harmonisation des normes relatives à la création et à la gestion de ces structures : le décret n° 2000-762 du 1er août 2000 institue les règles constitutives des établissements et services d’accueil des enfants de moins de six ans. Ces normes ont été renforcées par le décret n° 2007-230 du 20 février 2007.

 

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